La crise que nous traversons aujourd’hui n’est pas uniquement la crise d’un modèle économique, pas plus qu’elle ne peut être attribuée à l’humanité dans sa totalité. Elle est bien plutôt la crise du modèle de civilisation imposé par la modernité/colonialité/capitaliste/patriarcale occidentale. C’est ce constat effectué par des activistes amérindiens, afrodescendants et paysans, et de plus en plus explicitement élaboré par la pensée critique du continent, que le livre d’Arturo Escobar prend comme point de départ afin de proposer des alternatives à un mode de vie qui s'est révélé non soutenable et intrinsèquement meurtrier. Grâce à un riche dialogue entre les senti-pensées des communautés amérindiennes et des afrodescendants d'une part, et les théories appartenant à des disciplines hétérogènes telles que la philosophie, l'écologie politique, la théorie féministe et la biologie d'autre part, A. Escobar examine dans ce livre les potentialités du design pour la transition vers des modes de vie basés sur l'interdépendance radicale entre tous les êtres (humains et non humains), la réciprocité et l'autonomie des peuples. Pour ce faire, l'auteur adopte un double point de départ : premièrement, le postulat théorique selon lequel le design est ontologique, puisque chaque objet ou service qu'il crée produit des façons particulières d'être et de faire ; deuxièmement, l’observation de l’ubiquité du design dans nos sociétés modernes. Compte tenu des origines capitalistes, fonctionnalistes et rationalistes du design, pourrait-il être réorienté pour fonctionner non pas en faveur de l'accumulation de capital qui nécessite l'infériorisation de l'Autre, mais la reconstitution et la guérison du tissu de la vie ? Dans quelles conditions le design peut-il contribuer à la transition vers de nouveaux modes de vie où les êtres humains se sentent appartenir à la Terre et comprennent, comme dans la philosophie Ubuntu, que « je suis parce que nous sommes » ?