« J'ai toujours été autre dès mon enfance, depuis qu'un Bäärner Gieu, un gamin du village de ma mère, m'a taxé de nègre du Congo bernois : pas seulement frontalier donc, mais sujet d'un territoire colonisé, du point de vue de la Berne centraliste d'alors. Une telle catégorisation était encore possible à l'époque du Jura bernois et du Congo belge. J'en ressentis avec Tintin au Congo une sorte d'inadéquation faite d'un pagne et d'un langage déficient. »
Redécouvrir « la grammaire de son enfance », quotidiennement bilingue et biconfessionnelle : Fils d'un douanier bernois vivant dans un petit village jurassien à la frontière franco-suisse, Christian Schmid parle allemand à la maison, s'initie à l'existence en français, avec son copain, fils de paysan. En famille, la foi est protestante, à l'école il est comme les autres un petit ange catholique à la Fête-Dieu.
Alertes et enjouées, ces chroniques restituent la vie quotidienne campagnarde du début des années cinquante, la genèse de la question jurassienne, le mythe d'une Suisse cousue de vertu, d'autant plus que le spectre de la guerre restait vivace. Cette expérience précoce des frontières intérieures et extérieures est à l'origine de la passion de l'interculturalité de Christian Schmid. « La frontière exerce sur moi une fascination quasi magique, parce qu'il me suffit de la franchir pour être dehors. J'ai presque toujours vécu en région frontalière, pour pouvoir sortir du pays quand j'en avais marre. Ces passages me procurent encore aujourd'hui une sensation de force salutaire. »