Contrairement à ce que semblait augurer le Bonheur des dames de
Zola, nous savons tous aujourd'hui, avec plus d'un siècle de recul,
que le petit commerce n'est pas mort, loin s'en faut. Aux États-Unis
le petit commerce alimentaire, en particulier, ne s'est pas muré dans
l'immobilisme, mais a au contraire été le lieu d'un puissant courant
réformateur porté par la revue Progressive Grocer qui, comme son
nom l'indique, entendait soutenir la modernisation des petites épiceries
indépendantes, face aux chaînes et bientôt face aux supermarchés.
C'est à cette revue, ou plutôt à l'histoire du libre-service
du point de vue de cette revue, que ce livre est consacré. Progressive Grocer
est une revue professionnelle lancée en 1922 qui cible le
public des épiciers afin de lui montrer mille façons de transformer
et d'améliorer ses pratiques.
Au-delà de la simple mise au jour de la contribution oubliée de
la petite épicerie progressiste à l'avènement du libre-service,
l'ouvrage permet de saisir le rôle de la presse des affaires dans
la transformation des lieux de vente, l'importance cruciale des
innovations techniques dans le formatage de la relation marchande,
le rôle central du « marché des dispositifs marchands »
dans l'animation du commerce, et surtout les ressorts du « faire
laissez-faire », c'est-à-dire l'ensemble des savoirs, techniques et
savoir-faire grâce auxquels les professionnels de la vente s'efforcent
d'aménager avec soin notre « libre circulation » dans
l'espace des marchés.