Si Henri est devenu vendeur de chaussures pour dames, ce n'est pas par souci de mettre en valeur de jolies jambes féminines. Il n'était pas du genre à aimer s'installer, l'été, à une terrasse de café pour regarder passer les femmes. Lui eût-on posé la question, il eût été incapable de dire quelle sorte de jambes lui plaisait le plus. Celles des Danoises, fines mais surentraînées ; les italiennes, soignées mais toujours trop courtes ; les espagnoles, petites et charnues ou les grecques, voluptueuses à souhait, où les hauts des cuisses frottent l'un contre l'autre (si bien qu'il faut prévoir d'amples jupes pour les envelopper) ; les japonaises, en forme de croissant, à la peau transparente, ou les anglaises, blanches, couvertes de taches de rousseur, presque flexibles et sans muscles ; les américaines, vigoureuses et bronzées, qui ont toutes l'air déjà liftées, et chez lesquelles, pourtant, on peut deviner, symptôme héréditaire à la matérialisation lente, une future obésité informe. Henri peut parler de cela sans la moindre émotion.