«Cet ouvrage n'est ni "poétique", ni "historique" : c'est une chronique à la fois documentée et subjective [...], la chronique de ma ville et, à travers elle, de toutes les villes possibles : ma thèse préalable et indispensable est que, comme toute œuvre créée, Barcelone n'est pas Barcelone mais Barcelones. La culture s'est déjà chargée de codifier une Barcelone brillante et mésocratique, celle qui apparaît dans les livres. Pour ma part, j'ai voulu détacher du chœur quelques solistes auxquels on n'a pas prêté attention jusqu'à présent, et contribuer à une mémoire différente d'une ville pluridimensionnelle. Inévitable protagoniste de cette fin de millénaire, la Barcelone olympique a été un stimulant, mais moins important qu'un élan intérieur, une volonté intime d'orientation. Tout écrivain écrit pour s'orienter, à plus forte raison si la matière de son écriture est une ville. Puissent mes points cardinaux être aussi ceux de mes lecteurs, présents et futurs. Et si ce ne devait pas être le cas, qu'ils reconnaissent l'honnêteté littéraire de mon entreprise, l'honnêteté en littérature n'étant pas du tout, bien sûr, celle de la vie quotidienne. Tout projet littéraire est fondé sur des fraudes intermédiaires : la mémoire, la culture, le désir, le langage.»
Manuel Vázquez Montalbán