Le contraste est le grand ressort de l'art espagnol. Aussi a-t-on vu de nos jours le romantisme français, basé sur le contraste, tourner ses premiers regards vers la patrie de Murillo et de Cervantès. Depuis Hernani jusqu'à Ruy Blas, c'est l'Espagne qui a fourni à nos coloristes littéraires pourpoints et guenilles, la basquine noire des duchesses et le manteau troué de don César. Le contraste ! personne ne l'a plus souvent mis en œuvre et avec plus de bonheur que Murillo. Toutefois, il ne s'agit point ici des oppositions brusques de lumière et d'ombre, telles que les affectait le terrible Ribera ; chez Murillo, le contraste éclatait dans la philosophie du tableau par le rapprochement imprévu des conditions, par l'antithèse des caractères ou des pensées. Afin de ne pas heurter à la fois l'esprit et la vue, Murillo mettait le dualisme dans l'action et l'unité dans le clair-obscur. Le contraste était pour l'âme et l'harmonie pour les yeux.