«Bavures» : le terme ne semble avoir de place que dans la rubrique des faits divers. Il offre prise à des dénonciations de la police qui perdent souvent de vue les véritables enjeux de l'usage de la force publique. Car ce sont bien les modes contemporains de gouvernement qui sont en jeu lorsqu'il est question de l'emploi de la force par la police : que devient l'Etat moderne, lorsque la force physique est employée par ses agents ?
Fabien Jobard prend la question à bras le corps et étudie dans le détail les violences policières qualifiées d'«illégitimes», survenues dans la France contemporaine. Son analyse se porte à la racine du phénomène, en interrogeant d'abord la fiabilité des récits de ceux qui se disent victimes de violence : l'auteur examine ce qui fait la crédibilité de «faits» qui, parfois, deviennent des «affaires», mais plus souvent ne laissent pas plus de traces que celles du souvenir individuel, voire d'une imagination trompeuse.
L'auteur nous met ainsi en mesure de comprendre les logiques des violences policières elles-mêmes. Sans traquer les responsabilités individuelles de policiers déviants ni, au contraire, lire dans chaque fait violent l'aveu d'une nature systématiquement répressive de l'Etat, l'auteur éclaire les raisons de ces violences. A égale distance du soupçon et du déni, il restitue tout ce qui les rend possibles et contribue ainsi à l'élaboration d'une théorie de la force publique.