Réussir ce que le poète O.V. de L. Milosz appelait « une amoureuse initiation » - mieux vaut la réussir, n'est-ce pas ? - cela demande beaucoup de temps.
L'expérience, celle des essais et des erreurs, y aide certainement, mais plus encore la pratique du rêve éveillé, à laquelle le narrateur de ce livre, un jeune homme à l'orée des amours, s'adonne avec une persévérance qui n'exclut pas la mélancolie, car l'essence de l'initiation amoureuse, c'est que souvent elle manque son but et qu'alors il faut la reprendre en d'autres lieux, d'autres visages, de nouveaux corps.
D'ailleurs une quête dans les parages du réel, inséparable de la poursuite imaginaire de tant de gracieux fantômes, ne saurait être continue en ce monde flottant et dépourvu de permanence. Elle s'organise donc en « stations » qu'évoquent autant de nouvelles, liées entre elles par le maillage puissant du désir.
Doit-on s'étonner que la figure de ce chercheur masculin, dissimulée dans la mosaïque de ses rencontres, soit un peu floue et qu'elle n'apparaisse en pied, maîtresse enfin de l'aventure, que dans la sixième et dernière incarnation fantasmée de sa propre histoire ?