Qu'y aura-t-il de plus surprenant, dans ce troisième volume des Annales bergsoniennes ?
Sans doute, d'abord, les textes inédits ou introuvables sur lesquels il s'ouvre. Ainsi le cours de Bergson sur Leibniz n'est-il pas seulement un document historique. Ce qui s'y joue, c'est le rapport entre deux conceptions du possible, ou du passage du possible au réel, entre lesquelles tient toute la différence entre deux métaphysiques : ce qui assure ce passage, est-ce en effet le « principe de raison » (qui expliquerait que « quelque chose existe plutôt que rien ») ou une « poussée » interne au possible même, une « tendance » réelle, une actualisation ? Mais l'article inédit en français publié en 1933 par Cassirer (sur Les deux sources de la morale ou de la religion) ou le cours de 1943, jamais réédité, de Canguilhem (sur L'Évolution créatrice), attendus comme les classiques qu'ils sont déjà, ne seront pas moins surprenants : il s'agit, là aussi, de rencontres majeures, tendues, qui dessinent les enjeux les plus aigus de la pensée et du siècle.
Le dossier « Bergson et la science » surprendra de son côté par sa diversité et son actualité. C'est comme si, enfin, on dépassait le stade du tout ou rien, de l'admiration pour l'information et la rigueur scientifique de Bergson à la critique de son audace ou de ses erreurs, qui ont eu toutes les deux leurs excès, pour entrer dans les problèmes, et dessiner des perspectives, qui sont encore ceux d'aujourd'hui. Les articles de fond sur la biologie, la relativité, la morale, les relations historiques avec Spencer, Ravaisson, Pradines ou Meyerson, parmi d'autres, seront, à cet égard, autant de surprises.
D'une question apparemment classique, mais au fond jamais étudiée (« intuition et sympathie ») à une relation apparemment externe mais qui va au coeur de l'oeuvre (avec Deleuze), en passant par la « santé » chez Bergson et Nietzsche, trois articles inédits surprendront encore.
Mais doit-on s'étonner d'être surpris ? N'est-ce pas la marque de toute pensée réelle ?