Deuxième fortune d'Italie, magnat de la presse et homme fort de la politique italienne depuis plus de quinze ans, Silvio Berlusconi attache une importance obsessionnelle à l'image de son corps. Cela se manifeste à travers le contrôle qu'il exerce sur la diffusion des clichés le représentant, mais aussi et surtout, comme le montre Marco Belpoliti, par les efforts qu'il entreprend pour conformer son corps à l'idée qu'il se fait de lui. Aux deux corps du roi de l'analyse classique d'Ernst H. Kantorowicz, le personnage de Silvio Berlusconi oppose, selon Marco Belpoliti, « un corps postmoderne ou médiatique qui ne répond plus aux rituels traditionnels de la représentation [ ... ] : le corps du politique, du chef, vaut pour lui-même ».
« La différence fondamentale entre Berlusconi et Mussolini est que le premier utilisait son corps, torse nu compris, tel que sa mère l'avait fait, en accentuant tout au plus sa calvitie, tandis que Berlusconi fait prévaloir l'élément cyborg, la transformation progressive de ses traits naturels (Marco Belpoliti fait apparaître une singulière analogie entre Berlusconi et Oscar Pistorius, le coureur aux jambes artificielles), de la transplantation capillaire aux liftings, pour se livrer à ses dévots dans une image minéralisée qui se voudrait sans âge. Curieuse aspiration à l'éternité de Berlusconi, que Marco Belpoliti analyse, à la fin, comme " star permanente de l'éphémère " ».
Umberto Eco, L'Espresso