Professeur d'histoire à Chicago, Peter Cole a abandonné la langue universitaire pour retracer avec une sympathie évidente le parcours militant unique de la section de Philadelphie des IWW, dite « Local 8 », qui regroupait dans le port de la ville des milliers de travailleurs d'origines africaine et européenne, entre 1913 et 1922. C'est-à-dire à une époque de sévère ségrégation raciale, qui n'épargnait pas les syndicats. Dirigée par une poignée de militants, dont l'Afro-Américain Ben Fletcher, le syndicat fut composé en majorité de « Noirs » pendant la plus grande partie de son existence, mais il accueillait aussi des Euro-Américains de plus ou moins fraîche date, venus d'Europe centrale ou d'Irlande, dont par ailleurs la réputation raciste était souvent justifiée. Aujourd'hui, les wobblies sont plus connus pour leurs actions spectaculaires et leurs chansons colorées que pour leurs syndicats interraciaux qui ont mené le travail vital, bien que moins visible, de la lutte de classe face à un patronat rapace. Ce fut le cas notamment des dockers de la Nouvelle-Orléans, des mineurs de charbon de l'Alabama et des conditionneurs de viande de Chicago, mais ce furent les dockers de Philadelphie qui allèrent le plus loin dans cette voie. En cette époque de regain des divisions raciales ou ethniques, instrumentalisées ici et là par les classes possédantes, cet ouvrage trouvera son utilité.