J'ai littéralement dévoré la vie de Blanqui comme on lit un Dostoïevski. Geffroy se régale aussi : partant dans des accumulations (extraordinaire liste des clubs de la Constituante), reconstituant les lieux avec détail (ses phrases me hantent chaque fois qu'on s'offre la descente dans les abîmes secrets du Mont-Saint-Michel), et surtout dépliant cette tranche d'histoire qui nous est si mal connue, celle qui va de la révolution de 1830 à celle de 1848.
Et c'est tellement plus fort, à suivre un acteur réel, que ce qu'en reconstruit Flaubert dans L'Éducation sentimentale. On pleurerait de rage aux tristes épisodes de la vie de Blanqui, bouc-émissaire de tous les malheurs de son temps, enfermé d'avance chaque fois que la société bouge, et on pleure pour de vrai à l'évasion manquée de Belle-Île. On hait Barbès et ses compromissions, et on admire encore plus Blanqui quand il surgit dans je ne sais quel club, au soir des fusillades de 1830, en criant :
- Enfoncés, les Romantiques !