L'heure est venue pour vous de parler
Vous tous, amants de la liberté
Vous tous amants en quête du bonheur
Vous tous amoureux et dormeurs
Enfoncés dans vos rêves intimes...
Ainsi s'exprime, après plusieurs années d'absence en langue française, la dernière grande voix vivante de la Beat Generation. Si le poète peut être aveugle en ce monde, il ne saurait être muet. Et c'est haut et fort que Ferlinghetti l'Américain nous chante les « masses opprimées / et les riches sur leurs gros fessiers », de ce « Nouvel Empire romain » qu'il fustige et qui pourtant chaque jour l'enfante, dans les poèmes engagés qui constituent la première partie de ce recueil (Démocratie Totalitaire, C'est nous idiot, J'attends...). Mais sa voix sait aussi se faire douce : voyages du poète à sa source européenne et italienne, pérégrination dans le désert des sens (Migrations réelles et surréelles). Murmure accompagnant lés derniers instants de l'ami Allen(« pas besoin d'ajouter Ginsberg/Dans le monde entier / le monde des poètes / il n'y a qu'un seul Allen »). Le recueil se termine en pure clarté dans des textes où l'on respire l'air de la côte Pacifique, où l'on est ébloui par les lumières de sa ville, la capitale des poètes et de la poésie : San Francisco. Serein, le poète nous surprend alors : mots devenus ressac, où la douceur de l'embrun l'emporte sur la violence des vents contraires, et où la lune, « miroir de cristal / éternelle trompeuse », reflète l'unique lumière : celle du soleil intérieur...