Bougie, la Bejaïa de l’Algérie actuelle, fut l’un des ports les plus actifs et prospères du Maghreb médiéval. De sa fondation en 1067 jusqu’à sa conquête par les Espagnols en 1510, cette cité participe aux échanges qui s’intensifient alors en Méditerranée, attire les marchands d’Italie, de la péninsule Ibérique et de Provence, mais développe aussi ses propres activités. Car elle tire sa puissance de son ouverture à un espace maritime dynamique, mais aussi de sa capacité à agir comme pôle d’impulsion politique et économique dans le Maghreb central. Cette étude, mobilisant aussi bien les textes arabes que les documents d’archives européens, souligne cette insertion du port dans des réseaux tant maghrébins que méditerranéens. Dans un contexte où l’initiative est largement passée du côté latin, son devenir est ainsi lié aux évolutions de la conjoncture générale en Méditerranée occidentale, et notamment en Europe. Malgré les difficultés auxquelles elle doit faire face, Bougie apparaît comme exemplaire des villes maritimes du Maghreb qui, à une époque trop souvent considérée globalement comme marquée par le déclin du monde musulman, connaissent dans les derniers siècles du Moyen Âge un essor remarquable et deviennent des centres politiques, économiques et culturels de premier plan. En prenant le parti d’observer ces évolutions depuis la rive africaine et non du seul point de vue des cités européennes, Dominique Valérian montre que l’histoire de la Méditerranée médiévale est aussi celle des ports musulmans, et de la part active qu’ils prirent dans les échanges.