Sylvie Durbec écrit l'enfant, celui qui découvre la tristesse [de] la plume sans l'oiseau, ou celui qui découvre les mots écrits / par son grand-père juste avant / le silence définitif. Sylvie Durbec écrit fils et petits-fils, laisse les générations se côtoyer entre elles et se transmettre les douleurs qui les ont traversées. On pourrait croire dans les premiers poèmes de Ça qui me poursuit, qu'il s'agit d'un recueil de famille, au plus près de la poète, un recueil l'engageant elle, la petite fille mais aussi la mère. Mais Sylvie Durbec nous entraîne beaucoup plus loin à travers les champs et un chemin d'herbes disparues aux doigts des pieds des morts. Elle nous conduit au monde, confrontée à toute sa violence.
La poète s'interroge au sujet de ces fratries prêtes à mourir ensemble, avec des bombes dans les sacs à dos. D'où vient alors ce mot qui désigne une telle fraternité ? Les mères ont donné un nom à leurs fils, alors comment ont-elles pu rester dans le déni de leurs actes ? Ceux qui tuent à Bruxelles ou à Boston ont un visage et cela poursuit la poète. Le texte monte à ce moment en puissance, il avait démarré tout doucement, presque dans la légèreté. Le lecteur attentif devinera que ce qui s'écrit dans les premiers poèmes prend alors sens : parfois je peux inventer / tout un monde / parfois je ne peux pas / pas même / un / tout petit (...)
Cécile Guivarch (extrait de la préface)