Ce qui frappe quand on le voit, c'est sa monophtalmie. Pourtant, Josselin a perdu bien plus que son oeil pendant son service au Mali. Au moment de rentrer au pays, un souvenir s'impose à lui comme seule source de réconfort, celui d'un lointain été passé à Missoulat, en compagnie de Damien, Martin et surtout d'Emma. L'été de ses seize ans. En route pour retrouver ce qu'il reste de sa jeunesse, un accident le dévie de sa trajectoire et l'amène à rencontrer Henri, un artiste ferronnier que la vie n'a pas épargné non plus. Bientôt, les problèmes du vieil homme deviennent aussi les siens, et Josselin découvre que même au sein d'une petite ville comme Missoulat, une tragédie politique et familiale peut briser des hommes et des vies. Entre crises post-traumatiques et règlements de comptes, son chemin vers la rédemption promet d'être long.
Ce fut comme si la table était de carton, sans effort il lui fit quitter le sol et elle bascula d'un bloc. La nappe fleurie aux couleurs chaudes flotta dans un bref mouvement d'ailes, les assiettes s'envolèrent pareilles à une escadrille de moineaux surpris par un prédateur, les couteaux glissèrent et les fourchettes aussi, la nourriture se retrouva l'espace d'un instant en apesanteur. La corbeille de pain resta une longue seconde en l'air, vidée de ses tranches et auréolée d'une voie lactée de miettes, la bouteille de vin millésimé, lourde, éclata au sol dans un bruit de coup de feu tandis que les chaises basculaient dans un grincement de charrette.