Dirigé par Jean Touzot.
Ce Cahier ne projette nul parti pris hiérarchique sur une œuvre trop ramifiée pour être cloisonnée, retrouver Mauriac dans la somme de ses produits, honorer d’une égale attention la petite forme et le grand genre.
L’abondance des inédits réduisant la part des études, nous leur savons gré d’avoir permis que le journaliste fût salué de ses pairs, que le polémiste fût rendu à ses héros ou à ses victimes. Conviés à un hommage critique, beaucoup d’hommes politiques se sont récusés, comme si, même enseveli, un polémiste gardait ses armes. L’éclectisme, le non-conformisme du chroniqueur, justifiaient, nous a-t-il semblé, le recours à l’interview, à des démarches ou des disciplines qui ne se réclament pas toutes de la tradition universitaire. Par une grâce de longévité laborieuse, Mauriac a pu, de sa plume, accompagner l’office funèbre des grands écrivains de sa génération et souvent même celui de ses cadets. L’équivalent lui eût manqué si n’existaient - si nous n’avions sollicité - des lettres qui, jadis et naguère, l’ont encensé ou tancé, mais qui nous aident aujourd’hui à évaluer son rayonnement sur ses correspondants et son insertion dans le siècle. Romancier omniscient : c’était un reproche. L’omniprésence, ce coup dont on l’achevait, quelle grâce encore une fois pour un écrivain comblé et consacré qui, si poétiquement, eût pu se contenter de soliloquer ! Des poèmes, une nouvelle, beaucoup de lettres, deux chapitres de mémoires, des pans du journal intime : les inédits sont trop nombreux pour qu’on sache reconnaître assez la libéralité des héritiers. A des textes jamais publiés si l’on ajoute les chroniques « oubliées » de l’auteur et dédaignées des éditeurs, on comprendra que la hantise de la dispersion ait inspiré une double parade. Dans ce Cahier nous avons bâti des ensembles autour de monuments achevés, comme cette solide « Histoire politique de l’Académie française ».
En outre, la ligne de perspective du Cahier tente de faire converger à l’infini thématique et biographie. Ainsi, plus que le romancier ou que le journaliste, est-ce le mémorialiste, à condition qu’on ose le qualifier à la fois de privé et de public, dont l’ombre s’agrandit sur cette architecture.
S’agissant d’un guide de lecture et d’un mémorial dédié à Mauriac, ce privilège imprévu pourra n’être pas senti comme un abus.
Numérisation réalisée avec le soutien du CNL.