Dirigé par Jacques Aubert et Fritz Senn.
Une œuvre qui culmine sur un jeu de mots aux dimensions d’un long discours est-elle assez sérieuse pour figurer parmi les Cahiers de l’Herne? Oui, pensons-nous, à la condition de faire saisir combien elle est serrée, comment elle sert à saisir le lecteur dans sa lecture. Œuvre ramassée en peu de volumes, mais prolongée par l’expansion infinie des gloses qu’on tente de lui insuffler. Du coup, œuvre légère, aérée: parsemée de trous d’air contre lesquels aucune discipline ne prémunit aucun Dédale. Ces considérations ont dicté nos choix. Les cadres familiers de la critique éclatent à tout moment.
La chronologie, nécessaire, ne saurait non plus se substituer à la considérable biographie de Richard Ellmann. Tout au plus l’illustrons-nous de quelques documents : quelques témoignages sur celle dont le souci hanta les pensées de l’écrivain pendant de longues années; d’autre part, aux confins de la vie et de l’œuvre, nous signalons ou soulignons quelques rencontres plus ou moins réussies, rappelant surtout, en essayant de lui donner son juste poids, la valeur éminente du commerce entretenu avec Adrienne Monnier et Valéry Larbaud.
Ces compléments documentaires fournis, il fallait au moins donner une idée de la charge « critique », constamment au bord de l’explosion, propre à l’œuvre de Joyce. C’est cette force d’expansion que nous avons voulu évoquer, encore qu’elle ne se dépense jamais totalement en ses éclats. Et tout d’abord dans les « Droits de suite » que se sont arrogés, Dieu merci, quelques bons esprits de notre temps, et par lesquels, en leurs brisées, s’inaugurent d’autres travaux, d’autres avancées.
On ne sera pas non plus surpris que, mis à part quelques « Points de vue », l’essentiel des contributions ici présentées tournent autour d’Ulysse et de Finnegans Wake. Non point par les occasions, ou tentations, que ces œuvres fournissent à l’« industrie joycienne » tant décriée. La croissance de celle-ci n’est pas de pure conjoncture: elle reflète, fût-ce parfois sous une forme parodique, la richesse et la fécondité des questions posées, leur insistance à travers les avatars des générations et des cultures.
Numérisation réalisée avec le soutien du CNL.