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Simone Weil, c’est d’abord un ton qui ne ment pas, qu’on ne peut guère comparer, en authenticité et en élévation, qu’aux derniers livres de l’Éthique de Spinoza.
Témoin d’une époque détestable, elle a voulu la penser. Il se pourrait bien, pour cette raison, que le siècle qui s’engage soit weilien. Non pas deleuzien, mais weilien. Car elle a pressenti l’imminence de la catastrophe et surtout les conséquences catastrophiques de la catastrophe. À cet égard, elle joue le rôle irremplaçable de ceux qui annoncent le destin apocalyptique de l’humanité, pour tenter d’inverser le cours du temps. Ce Cahier sera placé sous le signe du passage. Passage aussi bien d’Athènes à Jérusalem, la rencontre des philosophes et des prophètes, que de l’Occident vers l’Orient (la lecture des textes sacrés d’Égypte, d’Inde et de Chine et la rencontre météorique avec René Daumal), que l’articulation, chez elle “évidente”, de la théorie et de la pratique, de la sagesse et de la science (« la géométrie grecque est une prophétie » - dira-t-elle), de l’université et de l’usine… Une praxis qu’elle s’attachera, en bonne platonicienne, à exhausser.
Elle a fait sienne la règle implacable de G.-K. Chesterton : toute pensée qui ne devient parole est une mauvaise pensée, toute parole qui ne devient acte est une mauvaise parole, tout acte qui ne devient fruit est une mauvaise action. Il s’agit assurément de l’une des plus grandes pensées de notre tradition philosophique.