Captifs et corsaires n'est pas seulement un livre qui relate l'histoire des
affrontements entre la France et les Barbaresques de 1550 à 1830, date de
la conquête d'Alger par la France ; c'est un tour de force.
En réglant sa focale sur les milliers de captifs français réduits en servitude
dans les cités corsaires d'Afrique du Nord (au Maroc, Alger, Tunis
et Tripoli) durant ces trois siècles, ce sont, en retour, de vastes pans de
l'histoire de France que Gillian Weiss éclaire d'un jour nouveau.
Car elle démontre comment ces captifs, au statut incertain et toujours
susceptibles de renier leur foi ou leur allégeance politique, contraignirent
l'État à reconfigurer les caractères de l'identité française et à étendre son
emprise sur ses régions périphériques.
Et par l'attention qu'elle porte à l'évolution de l'esclavage - d'abord considéré
comme un accident de la vie, il sera peu à peu racialisé -, elle dévoile
la façon dont la tortueuse lutte pour son abolition, ici en l'espèce «l'esclavage
des Blancs», a pu conduire à une légitimation de la colonisation.
Un ouvrage stimulant qui, en faisant une histoire de l'idéologie de l'émancipation
par la conquête, résonne de multiples échos.