Car la culture donne forme à l'esprit
Paru en 1990 sous le titre Acts of meaning, ce classique de la psychologie culturelle marque un tournant dans la pensée de Bruner, mondialement connu jusqu'alors pour ses travaux pionniers de psychologie cognitive sur les interactions mère-nourrisson dans les apprentissages du langage.
Dans cet ouvrage, Bruner prend nettement ses distances avec ce qu'il estime être une dérive de la « révolution cognitive », en plein essor depuis le milieu du XXe siècle. Il y déplore la prétention de l'hypothèse biologique à expliquer à elle seule le fonctionnement de la pensée. En comparant le cerveau et l'ordinateur, la psychologie a été isolée des autres sciences humaines au risque d'oublier que les êtres humains sont situés socialement, historiquement et culturellement. Depuis les années 1990, les neurosciences se sont à leur tour engouffrées dans cette hypothèse biologique, donnant pleine actualité à l'alerte de Bruner.
Fort de son constat, Bruner a favorisé le développement de la psychologie culturelle, dont l'objectif n'est pas de rejeter la biologie mais de montrer que l'esprit et l'existence sont des reflets de la culture et de l'histoire tout autant que de la biologie et des capacités physiques.
Pour lui, la psychologie doit rejoindre le courant qui anime les sciences humaines. Elle doit notamment s'intéresser à toutes les formes de « récits » (littéraires, juridiques, ou ceux de la « psychologie populaire ») grâce auxquels les êtres humains créent de la signification. Une façon de comprendre comment la culture façonne les croyances, les désirs, les valeurs et ainsi « donne forme à l'esprit », à nos pensées.