L'histoire - la trame narrative - est une enquête policière doublée d'une investigation psychanalytique, l'une se combinant à l'autre. Trois personnages sur scène : un inspecteur, son analyste et son supérieur hiérarchique. Le point de départ est un carjacking, c'est-à-dire le vol d'une voiture à l'arrêt au feu rouge, avec expulsion violente de son conducteur légitime. Tant par la structure d'une enquête policière que par celle d'une analyse, la surface du récit (les «faits») cache et révèle à la fois une vérité plus profonde, laquelle s'avère elle-même truquée de diverses manières. Le point de départ, à savoir l'incident du carjacking, est à la fois la matière première de l'enquête et le type même de sa structure narrative.
Tout, dans Carjacking, est à double-fond ; y résonne l'ambiguïté propre de la nature humaine, tant au niveau juridico-politique (l'enquête policière) que privé, existentiel (l'analyse) : en effet, chacun des personnages devrait respecter les limites qui déterminent la légitimité de son rôle social, mais ne cesse de la transgresser afin de réduire les problèmes que pose ce même rôle social : c'est ainsi que le pouvoir (répressif, normatif, investigateur, séducteur) agit comme une drogue dure, dont on augmente les doses jusqu'à l'explosion. Double-fond : théâtre, fantasme, vérité cachée, inconscient, désir. Ainsi va l'humain : toujours spectateur de l'autre, le toisant de haut, de loin, mais aussi toujours vecteur, soi-même, de quelque chose d'inhumain.