Des générations ont à la fois fait et défait l'époque. Elles
l'ont faite par la victoire des technologies et la transmission
de l'«intelligence» aux machines. Elles l'ont défaite
en cédant à la fascination de la puissance, en subissant la
fatalité du tragique, ensuite en perdant la maîtrise de la
Grande Transformation provoquée. Des générations neuves
émergent dans une surmodernité continûment accélérée
qui ne laisse rien en l'état. Le tournant s'effectue, à la fin
du siècle passé, avec l'extension inouïe d'une réalité dite
numérique, avec la transfiguration vitaliste de l'espérance.
Les uns s'égarent dans les nouveaux temps, ils savent
en utiliser les moyens, mais méconnaissent ce qu'ils y
deviennent : ce sont des usagers. Ils s'allient à des machines
complexes, à des systèmes experts, ils restent pourtant
attachés à la pensée d'hier pour gouverner aujourd'hui. Les
autres naissent avec les mondes émergents qui produisent
l'époque : ce sont les leurs. Ils subissent cependant les maux
d'une transition abandonnée à des puissances cachées. Ils
ne supportent plus, s'indignent ou se révoltent, ils refusent
le carnaval des apparences, ils explorent de nouveaux
commencements.
À sa façon, ce texte est un discours à la jeunesse et une
ouverture proposée à l'espoir.