Les excuses relèvent d'un principe officieux de
la thermodynamique humaine : elles dissipent par
la chaleur des mots une partie de l'énergie résultant
des frottements inévitables qui se produisent entre
les hommes. Rôle aussi vital, sans aucun doute, que
celui du système de refroidissement dans une centrale
nucléaire. Un monde de diseurs de vérité, au
sein duquel rien ne viendrait jamais adoucir le
moindre échange, pas la plus petite excusette, pas
même une pirouette, un tel monde serait définitivement
insupportable. Imaginez brièvement un
réveillon cauchemardesque, où chacun se sentirait
obligé d'user de son droit de vérité à l'égard des
autres convives. N'y aurait-il pas là matière à une
réaction en chaîne incontrôlable, initialisée à coups
de bûche de Noël ou de pince de homard ?
D'où cet indispensable carnet qui offre une batterie
d'excuses prêtes à l'emploi, pour éviter un dîner,
justifier un retard ou refuser un prêt. Rien de ce qui
est humain n'échappe à l'excuse. Pas même la mort.
Enfin, on ne perd rien à essayer.