«L'état de guerre a été proclamé en Pologne. Toutes les communications sont coupées.» - Par ces deux phrases Kazimierz Brandys terminait le premier volume de ces Carnets. L'événement tragique survenu à Varsovie le 13 décembre 1981 a surpris l'auteur à New York. Il ne pourra plus retourner dans son pays. Au fil des mois, l'écrivain poursuit le récit de sa nouvelle vie, celle d'un émigré : «On dit que la vie est un roman. J'écris mes Carnets pour voir si la mienne en est un... J'écris ce journal-roman parce que c'est pour moi le seul moyen de surmonter la situation d'un homme tombé hors du temps... La Pologne où je ne suis pas cesse d'être mon expérience, elle est un pays qu'on me raconte.» Elle le rattrape pourtant, aux Etats-Unis puis en France, cette Pologne racontée, faite de récits dramatiques, d'anecdotes, de souvenirs et de rêves. D'autres thèmes reviennent, se croisent, s'entrelacent, dans une composition subtile où se mélangent le présent et le passé : l'Europe occidentale en train de perdre son instinct de conservation, la Russie éternelle et l'Union soviétique, les paysages de New York qui l'étonne et le fascine, ceux de Paris, «œuvre de metteurs en scène qui transforment l'espace en une construction historique», le problème juif et celui de l'antisémitisme, la littérature et le travail d'écrivain semé d'embûches. L'humour se double d'ironie pour éclairer la réflexion de ce témoin de notre temps.