Souvent envisagée comme un instrument d'orientation et de navigation, la carte sert à nous rassurer dans notre lecture du territoire. Mais qu'adviendrait-il si l'on voyageait avec des cartes qui nous désorientaient ?
Les cartes sont nombreuses certes, mais elles n'ont pas toutes les mêmes vertus ! Certaines se contentent de reproduire simplement la réalité, d'autres au contraire l'inventent. Parallèlement aux cartes d'extérieur des géographes-géomètres-arpenteurs, il existe des cartes d'intérieur des cosmographes-peintres-écrivains, tous ceux en fait qui font rêver les lignes à la manière de Michaux qui affirmait : « Je veux que mes tracés soient le phrasé même de la vie. »
Les cartes qui retiendront notre attention ici sont justement celles qui luttent contre la tyrannie de l'analogie pour nous plonger dans les profondeurs folles de ces contours incertains. Ces cartes sans mémoire effectuent des tracés et se refusent à suivre toute espèce de parcours. Elles nous entraînent ainsi vers des géographies improbables et inconnues.
Ce voyage se fera à partir d'un dialogue tissé entre les oeuvres poétiques de Michaux et les écrits philosophiques de Merleau-Ponty. Il sera aussi l'occasion d'éclairer la formule de Maurice Blanchot, fil conducteur des propos qui vont suivre : « Ils marchaient ainsi, immobiles à l'intérieur du mouvement. » Les cartes inconnues nous offrent l'occasion de marcher immobile à l'intérieur du mouvement comme pour nous dire que les points de fixation que la géométrie spatiale dessine sont d'abord des points de fiction que la géométrie poétique invente.