J'habite l'ancienne Asie / et toi la lointaine Europe / quelqu'un retourne la planète // nous perdons pied, chavirons
ensemble / dans un océan de mélancolie.
Ainsi Chen Li s'adresse-t-il à l'un de ses compositeurs de prédilection, Olivier Messiaen. La poésie est à ses yeux le meilleur moyen de communiquer avec le monde, à qui il envoie sans relâche des cartes postales sous forme de poèmes.
Engagé dans la quête identitaire taïwanaise et profondément attaché à son île natale peuplée de faisans noirs à longue queue et de serpents aux cent pas, que les Portugais nommèrent jadis la « Belle » (Formosa), Chen Li reste également à l'écoute d'autres voix venues du monde entier. Il manifeste une foi inébranlable dans le pouvoir magique et mystérieux de la poésie, propre à dépasser les frontières, à transcender les souffrances, la fuite du temps, la mort. Enclin à un humour teinté d'amertume, le poète mélomane a fait sien le mot du compositeur japonais Toru Takemitsu, qui s'applique à toute sa poésie : « La musique, dans son essence, semble inséparable de la tristesse. C'est la tristesse de l'existence. Plus vous êtes emplis de la joie de la création musicale, plus profonde est la tristesse. »