Depuis mai 68, flâner le long d'une manifestation a toujours été mon activité seconde, une fois passé un long moment dans la manifestation elle-même. C'est un temps intense de joie et de proximité à l'autre, qui ne m'a jamais quitté depuis, Remonter, descendre sans cesse la manifestation pour mieux l'appréhender, tel est l'exercice que j'ai répété des dizaines de fois dans mon existence. Ce flâneur est-il celui, à l'exemple du philosophe allemand Walter Benjamin marchant dans Paris, qui est tout à fois dans la foule et hors d'elle ? À vrai dire, je le perçois tout autrement. C'est dire plutôt, « Je suis l'enfant de la révolution », à l'exemple de Heine, ici à l'horizon de la révolution de 1830, et je vis ce moment comme le fait même de l'émancipation, la perpétuelle confusion entre le « je » et le « nous ».
Rien de distrait donc dans l'attitude du flâneur, mais au contraire il concentre une attention maximale à tout ce qui se présente sous ses yeux, d'autant que ce qu'il voit est nouveau, étrange à son regard. Rien d'éphémère, rien de fugitif dans ce qu'il perçoit, mais bien au contraire la présence quasi-ontologique de la figure émancipatrice du peuple.
La parole des acteurs ordinaires de l'événement mai 68 reste méconnue. Dans cette écriture au Je, l'auteur en retrouve, à partir des dessins de Th. Stehlin, le potentiel émancipateur, utopique, et témoigne des ouvertures conceptuelles toujours vivantes qui l'ont accompagné.