La formule cartésienne causa sive ratio scande l'histoire de la causalité, entre le privilège suarézien de la cause efficiente et l'invention leibnizienne du principe de raison suffisante. Elle traverse un siècle exactement, des Disputationes metaphysicae de Suarez (1597) aux 24 thèses métaphysiques de Leibniz (1697). La métaphysique s'y constitue en époque de la causalité.
Qu'ils la soutiennent ou qu'ils la récusent, les philosophes du XVIIe siècle ont en commun de discuter la thèse qui confère l'intelligibilité à la relation causale ; elle prend la forme exemplaire de l'équivalence cartésienne de la cause et de la raison. Mais la façon dont la relation causale gagne l'intelligibilité demeure à son tour inintelligible, puisqu'elle renvoie à la toute-puissance incompréhensible de celui qui l'exerce, y compris peut-être envers lui-même : sui causa. C'est là précisément la thèse que les post-cartésiens ne cesseront de lire comme un problème et de récuser : Spinoza, en posant que l'ordre et la connexion des idées sont les mêmes que l'ordre et la connexion des choses ; Malebranche, en faisant de la cause occasionnelle une raison inefficace et en concentrant en Dieu toute l'efficace ; Leibniz, en employant le principe de raison suffisante, qui rationalise l'existence en la soustrayant à l'emprise de l'efficience. Loin de la produire, la causalité se voit alors soumise, sous diverses modalités, à l'intelligibilité.
Aussi le principe de raison suffisante signe-t-il ce que nous appelons la fin de la cause - par excellence la fin de l'efficience -, qui n'est pas la fin de la question du fondement, mais le déplacement de sa réponse vers plus fondateur que la cause : la raison. Ainsi se trouve accomplie l'essence du fondement à l'époque moderne de l'histoire de la métaphysique.