Contemporain d'un grand empereur de la dynastie
des Qing, Yuan Mei (1716-1798) occupe une place
originale dans l'histoire de ce brillant XVIIIe siècle. Ses
audaces et ses provocations, sa conduite frivole et scandaleuse,
sa liberté de pensée et l'invention géniale d'une
nouvelle forme de poésie, plus naturelle et spontanée,
ont valu à ce grand écrivain, à ce sybarite, une immense
popularité, en même temps que l'exécration d'une partie
de l'aristocratie lettrée.
En marge de ses travaux d'érudition, Yuan Mei
s'inscrit dans la longue tradition de la littérature romanesque.
Le titre sarcastique du présent recueil s'inspire
d'une phrase célèbre des Entretiens de Confucius, ce
Maître qui «ne parlait ni du fantastique, ni de la violence,
ni du désordre, ni du surnaturel». Or, c'est précisément
d'une collection de contes qui contreviennent à
ces exclusions que Yuan Mei a composé son livre. Cent
trente-cinq récits de rêves étranges ont été ici retenus :
des histoires fantastiques de revenants, de morts temporaires,
de descentes aux enfers, de réincarnations,
d'ensorcellements, de possessions et de mystifications.
Mais parmi les images de ce monde fabuleux, les réalités
de la société du temps affleurent à tout moment, tandis
que l'auteur énonce ouvertement à ce sujet, d'un ton
léger, ses observations personnelles.