Mettre en suspens les « qualités » que nous attribuons aux œuvres : c’est à cette seule condition qu’il sera possible de dégager ce qu’elles font ou nous font comme ce que nous en faisons – à la fois, leur effectivité, leurs effets, leurs usages.
Que l’œuvre opère, c’est donc ce sur quoi insiste ce livre, si l’on veut bien entendre par là qu’elle travaille avec tout ce que recouvrent les données complémentaires du « matériau » et du « contexte », deux termes évidemment discutables. L’œuvre, forme en travail, est un opérateur de transformation. Poser que l’œuvre opère, c’est faire porter la question sur le partage entre l’œuvre et ce qui conditionne sa production et sa réception ; c’est mettre l’accent sur les opérations formelles et sémantiques qui sont au travail dans nos pratiques symboliques, ces manières de faire, aussi bien que dans les œuvres ; c’est se demander, enfin, ce que ces espaces opératoires partagés font à ces « sciences » des œuvres que sont la poétique et l’esthétique.
Les opérations de l’œuvre sans qualités n’ont l’air de rien du tout. C’est justement par là qu’elles peuvent nous en apprendre beaucoup sur les œuvres et sur nous-mêmes.