Luther, K.ant, Marx, Heidegger : autant de figures majeures de l'esprit allemand dont la caractéristique est de penser le rapport au vivant en mettant le Juif à la place du mort. L'hallucination du fantôme juif devient le moteur interne d'un discours qui, progressivement, tente de donner ses lettres de noblesse à la détestation, l'euthanasie, la dissolution puis à l'abolition du judaïsme. Il n'en faut pas plus, mais pas moins non plus, pour que l'extermination des Juifs se prépare dans les universités allemandes.
Après Hitler, la Shoah, puis la chute du IIIe Reich, le fantôme court toujours. Chez les néo-marxistes et les post-hei-deggeriens, mais aussi chez les islamistes : inexistence des Juifs, utopie du peuple juif, évidement du signifiant « Juif » et destruction de l'État d'Israël convergent dans la tête de ceux qui - négationnistes et anti-négationnistes ici étrangement réunis - ne s'expliquent pas que le judaïsme ne soit pas mort. Des penseurs qui refusent de soumettre l'esprit allemand à une critique radicale, tentent d'arraisonner le fantôme et même de lui dire adieu : Levinas, Lyotard, Derrida, Badiou, Baudrillard, Nancy.... mais en vain, car ils évitent l'essentiel du problème : expliquer pourquoi il était dans la nature acritique de l'esprit allemand de justifier le meurtre, et comment il faut y renoncer.
Une nouvelle fois, c'est à l'esprit du judaïsme, à nouveaux frais, de donner le courage de ce détournement.