Ce qu'écrit Kafka est à ce point clair, d'une clarté
si stupéfiante qu'on en reste littéralement bouche bée, cloué,
désemparé, voué au mieux à la répétition du texte.
Les récits de Kafka racontent des histoires à première vue
invraisemblables - comment un pont pourrait-il s'accrocher
des mains à un côté de la paroi et des pieds à l'autre,
et se retourner pour voir qui arrive, comment un homme
peut-il se muer en scarabée ? Rien de plus certain pourtant
que ces invraisemblances, rien de plus saisissant que ces récits.
Kafka touche en effet, à chaque fois, le centre exact de la cible,
tout ce qu'il écrit atteint le lecteur très précisément
là où il ne peut plus rien dire. On est concerné par Kafka
parce qu'il arrive où chacun commence, au point muet
où se fait la parole du lecteur.
Ce que raconte Kafka porte sur ce lieu originel, informulable,
du langage derrière quoi on ne peut se retourner.
Ce qu'il écrit est si singulier que c'est d'emblée
reconnaissable, sans référence à autre chose et, du coup,
parfaitement universel.