«Je m'installai dans l'hélicoptère et m'apprêtai à vivre la magie de
la forêt tropicale d'un autre point de vue. La canopée, véritable toit du
monde végétal, se dévoila à mesure que nous nous élevions dans le
ciel bleuté. Ici et là émergeaient, comme des sentinelles isolées, des
arbres majestueux, sur les branches desquels je pouvais apercevoir,
en plissant un peu les yeux, un calao faisant une courte escale dans
sa traversée de l'océan végétal. Mais soudain, une fracture, une plaie
béante, couleur sang, de terre mise à nu. Le royaume d'émeraude
avait fait place à une singulière étendue géométrique, à un immense
damier ocre et vert. Plus d'exubérance ni de fantaisie, mais ce même
dessin, désolant, austère et monotone sur des kilomètres et des
kilomètres. Le responsable : la culture extensive du palmier à huile.»
Quand elle survole cette forêt agonisante de Bornéo, Emmanuelle
Grundmann sait que la moitié des forêts tropicales ont déjà été rasées
par l'homme. Et que chaque année, sur l'ensemble du globe, ce sont
environ treize millions d'hectares de forêts qui disparaissent, victimes
des haches, tronçonneuses, bulldozers et feux non accidentels.
Hier le caoutchouc, aujourd'hui l'huile de palme. Ici les crevettes,
là la pâte à papier. Depuis toujours, les ressources de la forêt excitent
la convoitise des hommes, qui la pillent, la détruisent, la polluent, en
exterminent les espèces animales et en chassent les communautés
autochtones, pour le plus grand profit de quelques-uns.
Ces forêts qu'on assassine est un livre de combat, qui dénonce les
conséquences catastrophiques de cette déforestation galopante. Les
responsables de ce carnage (entreprises, hommes politiques, institutions
internationales) y sont rudement interpellés.
Les forêts sont les poumons de la planète. Aujourd'hui, elles sont
rongées par un cancer mortel dont nous, les hommes, portons l'entière
responsabilité. Espérons que ce livre contribuera à nous ouvrir les
yeux et à stopper le massacre avant qu'il ne soit trop tard.