L'écriture de nos futurs possibles appartient aux littératures de
l'imaginaire, aux récits utopiques, à l'anticipation et à la science-fiction.
En France, ces visions souvent pessimistes ou inquiètes se
sont développées depuis la fin du XIXe siècle par l'invention d'une
veine littéraire dont l'héritage touche et structure les oeuvres les
plus actuelles. De Jules Verne à Serge Lehman, en passant par
Rosny Aîné, Régis Messac, Pierre Boulle ou Michel Jeury, cette
littérature française conjecturale selon le mot de Pierre Versins,
révèle un imaginaire collectif complexe, vecteur de contextes
technologiques en évolution constante depuis l'advenue des
sociétés industrielles. Comment appréhender un progrès
technique et scientifique annoncé comme inéluctable mais
insaisissable ? Seule la science-fiction ou l'anticipation déploient
des images virtuelles suffisamment diversifiées pour s'approprier
ou explorer une histoire moderne confrontée aux désirs
d'alternances, de révoltes ou d'alternatives. Plusieurs générations
d'écrivains français, issus de la littérature populaire, générale ou
spécialisée, ont travaillé depuis un siècle à l'invention ou à la
réinvention de nos sociétés contemporaines ; la projection vers ces
univers politiques, sociaux ou technologiques n'existe que pour
nous prévenir : élaborer le futur nécessite de l'écrire dès
aujourd'hui.