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Quatre villageois, ayant fui leur hameau de Podlipnaïa, traînent leur misère sur les routes et le long des fleuves. Ce roman, publié en 1864 par un jeune écrivain qui devait mourir de maladie à trente ans, décrit avec un réalisme implacable, vingt ans avant les premières œuvres de Zola, la vie des paysans aux confins de la Russie d'Europe.
Traduction de Charles Neyroud, 1888.
EXTRAIT
Le hameau de Podlipnaïa n’est pas beau. Ses cinq ou six cabanes construites sur le bord d’une mauvaise route et dispersées sur un terrain inégal n’ont rien d’attirant. Les unes se trouvent plus élevées que les autres, qui semblent vouloir fuir dans la forêt. Sans toit, avec un plafond plat de paille, et de mauvaises petites fenêtres fermées avec des lames de tôle, elles ont un air pitoyable : les claies même qui les entourent ne sont guère compliquées : quelques pieux de bouleau fichés en terre, autour desquels on entrelace des branchages verts, et voilà tout !
À PROPOS DE L'AUTEUR
On sait peu de choses du Sibérien Fédor (ou Theodor) Mikhaïlovitch Rechetnikov (1841-1871). Emporté par la tuberculose, le jeune homme ne laisse en effet dans son sillage que l’embryon d’une oeuvre prometteuse. Très jeune, il entra en contact avec les cercles littéraires de Saint-Pétersbourg et c’est d’ailleurs pour poursuivre une carrière dans les lettres qu’il décida de quitter la vie active. Son premier roman, Ceux de Podlipnaïa, fut publié en 1864 dans le journal Le Contemporain dirigé par le célèbre intellectuel libéral Nekrassov. Ce texte sans concessions frappa les lecteurs de l’époque, notamment par son évocation vériste des misérables conditions d’existence des paysans sibériens. Rechetnikov, dans la foulée du succès remporté par son premier opus, allait s’attacher à d’autres coups de sondes dans les classes laborieuses du peuple mais ses oeuvres ultérieures, dédiées principalement aux mineurs, ne furent que partiellement publiées. Où vit-on mieux ? (1868) et Notre propre pain (1870) consacrèrent véritablement la réputation de Rechetnikov en tant que romancier du témoignage social et que précurseur de l’essai ethnographique. Malgré sa renommée croissante, Rechetnikov souffrit d’une profonde détresse morale. Éprouvant des difficultés à concilier sa vie de famille et l’exercice de son art, rongé par la dépression, il sombra dans l’alcoolisme puis contracta le mal auquel il allait succomber. Il est enterré à Saint-Pétersbourg.