Le tableau Solitude (1933) est un des sommets de l'art de
Marc Chagall. Au coeur de cette oeuvre, un personnage
récurrent : le Juif qui serre dans ses bras la Torah - un
des «doubles» du Juif errant - représenté cette fois-ci en
mélancolique sur fond de paysage désolé évoquant la dissolution
du cosmos. Le modèle dont s'inspire Chagall est le
Saint Jean-Baptiste au désert de Gérard de Saint-Jean, dont le
souvenir - comme l'avait remarqué Panofsky - réapparaît
dans la Melencolia I de Dürer. À partir de ces données,
l'auteur s'interroge sur les raisons qui ont conduit Chagall
à donner à son «héros» les traits de l'homo melancholicus en
cette terrible année 1933 qui voit l'arrivée au pouvoir de
Hitler. Une part notable de l'oeuvre de Chagall entre les
années 1933 et 1945 peut-elle alors être considérée comme
ressortant de la «peinture d'histoire» ?