«Ces gens étaient tous marqués au fer rouge. Je sus que
d'être parvenue à comprendre leur parcours faisait de moi
une des leurs. Jamais plus, je ne me verrais en victime :
j'avais en posant un regard de compassion sur eux une nouvelle
identité. Mon coeur rendait grâce pour l'abandon de
mon enfant à chaque fois que je croisais le regard de Sacha :
je sus qu'elle n'échapperait pas au sort de tout un chacun
parmi nous. Il y avait aussi d'autres enfants de la prostitution
qu'on envoyait je ne sais où parfois rapidement parfois
soudainement. Mes journées s'écoulaient dans la solitude
de ma chambre fermée à clef ou dans l'euphorie des soirées
où se déroulait la véritable comédie humaine, les rouages
de l'Histoire, les abus du pouvoir et les déviances de l'âme
humaine. Un sentiment étrange naquit en moi : je ne perdais
pas ma vie en étant ainsi enlevée.»