Je mesure combien le paysage est ici subordonné au poids de l'ordinaire. Modeste, le décor n'a rien de grandiose si ce n'est son indigence elle-même. L'odeur tourbeuse venue des lisières ne trompe personne. La végétation noueuse, l'herbe jaunie, la flore étrange des confins disent l'essentiel des landes perdues entre terre et ciel, à la limite de ce qu'on peut en voir. Où le silence prend le pas sur toute chose, comme si les mots eux-mêmes en dépendaient. La contemplation va de soi. Il suffit de se laisser traverser par ce qui meurt en nous à chaque pas. Oui, c'est sans doute aussi cela, les Ardennes. Un peu de temps perdu, de terre oubliée, de mémoire dispersée dans le vide des plaines et la solitude des sous-bois.