La prison claudique. Sur les coursives, les passants
ronchonnent. «Si Sarkozy passe, on est cuits, plus de
perm', plus de condi', plus rien...» D'exaspération, René
se gratte le béret : «Et qu'est-ce que tu veux que ça
m'foute, ici on n'a rien !»
Depuis Napoléon, les réformes du code pénal se sont
succédé mais les législateurs n'ont jamais remis en question
la peine infamante des réclusionnaires. Pour les
braves pépères parlementaires, l'essentiel est de nous
maintenir à vie dans la caste des sous-citoyens. Détournez
des millions de fonds publics, vous resterez un citoyen respectable,
attaquez une banque pour quelques picaillons et
vous deviendrez un intouchable. Par n'importe quel
moyen, le but est d'éliminer les classes dangereuses du
territoire politique. Mais il faudra bien qu'un jour le peuple
des prisons réalise lui aussi son juillet 1789 !
Aujourd'hui, les conversations tournent autour du
départ de Doudou. À l'étage, sa frêle silhouette s'agite,
sans bruit, il prépare ses cartons.
Dix-sept piges passées dans la même cellule, dix-sept
piges devant la même machine de l'atelier sans avoir
jamais mis les pieds en promenade... Dix-sept piges d'un
minutieux assassinat du temps qui passe, où chaque
seconde est circonscrite à une particule d'habitude
disséquée et répétée à l'infini...