COLLECTION Histoire des suds
dirigée par Mamadou Diouf et Peter Geschiere
M.Mamdani nous propose une relecture complète de l'histoire coloniale et postcoloniale des États de l'Afrique noire contemporaine. Il faut dépasser, selon lui, l'opposition entre les partisans, modernistes et modernisateurs, du droit et de la société civile et les partisans, communautaristes, qui défendent les tribus et les cultures. Cette démarche conduit à reconsidérer l'héritage institutionnel, légué par le colonialisme, ainsi que les types de résistance que ces pouvoirs ont suscités.
La problématique centrale de la démonstration veut renverser un des lieux communs les mieux établis, à savoir le caractère soi-disant exceptionnel de l'apartheid et de la ségrégation institutionnelle (celle qu'a théorisé le général Smuts, l'un des fondateurs de l'Union sud-africaine). Ce despotisme décentralisé, selon les termes de l'auteur, est en fait la forme canonique de l'État colonial. Ce gouvernement indirect se distingue évidemment du gouvernement direct, qui prend le nom de despotisme centralisé. De leur coté les résistances au pouvoir relèvent de deux cas de figure, la division entre le rural et l'urbain d'une part et la division entre ethnies de l'autre. C'est cet angle d'attaque qui lui permet d'expliquer comment l'État colonial fut bien déracialisé après l'indépendance mais pas du tout démocratisé.
M.Mamdani explore de nombreux exemples historiques ou actuels et nous conduit de l'Afrique de l'Ouest à l'Afrique orientale en passant par l'Afrique centrale et l'Afrique du sud. Cette dernière a d'ailleurs droit à un chapitre où l'auteur analyse les soubassements sociaux et ethniques des luttes contre l'apartheid.
Tour à tour historien, anthropologue et politologue, voir militant, M.Mamdani intervient ici dans les débats de la réforme démocratique de l'État en mettant au jour la profonde unité des régimes politiques africains ainsi que les limites génériques de leurs remises en cause tant nationalistes que démocratiques.