Selon la formule célèbre de Max Weber, l'État revendique le monopole de la violence physique légitime. Tout au long de l'époque contemporaine, il organise des forces de l'ordre de plus en plus nombreuses et professionnalisées.
Des amateurs n'ont pourtant jamais cessé de participer aux fonctions policières. Ils (rarement elles) viennent en renfort quand le besoin s'en fait sentir ou quand le désir les y entraîne. Appui citoyen ou aiguillon sécuritaire, ils revêtent des visages variés : foules révolutionnaires formant leur propre police, gardes nationaux héroïques ou ventripotents, « amis de l'ordre » armés de gourdins, détectives amateurs de la Belle Époque, volontaires ou requis des temps de guerre, gardes civiques de la Libération, enfants enquêteurs des Trente Glorieuses, milices des années Giscard, réservistes de la gendarmerie, voisins vigilants du XXIe siècle... Ce livre retrace dans leur diversité souvent pittoresque l'histoire foisonnante de ces groupes méconnus.
Suivre leur trace, comprendre les limites et les critiques de leur action, dont les sources documentent surtout les échecs, c'est éclairer l'envers de la construction de l'État, que l'on réduit trop souvent à la croissance des institutions publiques, alors qu'elle procède aussi d'une mobilisation civique.
À l'heure où l'on s'interroge sur les pratiques policières, les obsessions sécuritaires et la participation citoyenne, cette enquête historique de grande ampleur, fondée sur une large palette de sources originales, entend apporter du recul et de la nuance au débat public.