Au cours de l'époque moderne, les contours de la terre sont progressivement fixés. Cependant, l'intérieur des continents, la position et le tracé de bon nombre d'îles continuent à susciter fantasmes et mystères géographiques. À partir du xviiie siècle, certains cartographes refusent pourtant de recourir aux allégories, et préfèrent laisser en blanc les territoires dont ils ignorent le tracé. Ce mouvement de blanchiment des cartes suscite l'organisation d'expéditions scientifiques, contribue à la soif d'aventure et anime le désir de conquête. Toutefois, il faut se garder de simplifier ce moment du comblement en le regardant comme le passage du vide au plein, de l'inconnu au connu ; c'est au contraire un dispositif protéiforme et complexe. Les douze contributions rassemblées ici questionnent les significations multiples de ces blancs qui ne disparaissent jamais brutalement des cartes, et qui sont investis de sens distincts. Elles abordent cette question selon plusieurs temporalités et selon plusieurs échelles, du lieu au continent, sans négliger quelques figures spatiales emblématiques, comme l'île ou le désert. Elles montrent enfin la complexité des procédures de légitimation des savoirs géographiques et la diversité des acteurs - hydrographes, explorateurs, cartographes, géographes, aventuriers, administrateurs, colonisateurs, etc. - qui témoignent de ce processus subtil et diffus de comblement des blancs de la carte.