Il est des moments où une force installée peut se heurter à des évolutions sociales qui la déconcertent et auxquelles elle ne sait pas s'adapter. Il est des événements si déstabilisants que le mort finit par saisir le vif. C'est ce qu'il est advenu au Parti communiste français en 1968.
En mai, il ne veut voir dans le grand mouvement né de la colère étudiante que ce qu'il connaît : une pulsion du mouvement ouvrier historique, une répétition de juin 1936. Il ne comprend pas ce phénomène planétaire et tumultueux qui annonce l'entrée dans une phase nouvelle, qui se défie de tous les ordres du passé, qui affaiblit les stratégies habituelles et que les cultures anciennes de la gauche et du monde ouvrier ne peuvent plus englober.
Un peu plus tard, à l'été, le PCF est confronté à un nouvel événement qui va contribuer à éroder un autre identifiant du communisme du XXe siècle. En août 1968, l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'Union soviétique et ses alliés met fin au Printemps de Prague, une des tentatives visant à réconcilier enfin le parti pris égalitaire et l'irrépressible désir de liberté. Cette fois, le PCF se résout à condamner l'acte désastreux, mais hésite à aller jusqu'au bout de son choix. L'addition pour lui sera lourde, mais il ne la paiera que plus tard.
L'ouverture des archives permet de jeter un oeil nouveau sur cette année 1968 et de mettre en perspective les regards neufs des historiens.
L'analyse historique des deux moments est complétée par une substantielle chronologie et par 57 documents, pour la plupart inédits et tirés du fonds d'archives de direction, déposées aux Archives départementales de Bobigny.