Comprendre Heidegger
L'espoir d'une autre conception de l'être
Dans la préface qu'il a esquissée pour ses oeuvres complètes, Heidegger a écrit que les cent tomes de cette édition ne proposaient pas des oeuvres, seulement des chemins (Wege, nicht Werke). Mais des chemins pour quoi et vers où, au juste ? Il l'a dit lui-même : afin que soit enfin posée la question de l'être. Pourquoi est-il si important de tirer cette question de l'oubli ? La conviction de Heidegger est que la conception aujourd'hui dominante de l'être, préparée depuis les Grecs et identifiant l'être à l'étant subsistant qui se prête à une exploitation technique, aboutit à une impasse, puisqu'elle aurait mené notre humanité au désert du nihilisme et pourrait même la conduire à son autodestruction. Tous les espoirs, même politiques, de Heidegger visent donc à préparer une nouvelle intelligence de l'être. Son projet est ainsi immensément métaphysique, et sa tragédie essentielle consiste peut-être à avoir cru qu'il fallait penser contre la métaphysique et à contre-courant des conquêtes de notre civilisation pour que notre salut soit possible.