La science politique, comme toute science sociale, peut atteindre
à une pleine connaissance des processus politiques. Les sciences
sociales, moins différentes des sciences de la nature qu'on n'aime à le
dire, méritent en effet leur titre de «sciences». Les unes et les autres
ont pour socle commun le déterminisme du monde et l'unicité de la
raison humaine.
La capacité des sciences sociales à prévoir le devenir d'une société
et les effets de nos actions dans le monde reste cependant très limitée.
On ne peut jamais expliquer que ce qui s'est passé. Le futur éloigné
demeure par essence imprévisible, il est utopique de le présager.
Comment alors agir dans le monde si l'on ne peut guère prévoir les
conséquences de nos décisions ? Que peut être une action politique si
l'on admet, avec la majorité des sociologues, que «le résultat final de
l'activité politique» répond «rarement à l'intention originale»
(Weber) ?
La science politique, dans son volet théorique, doit se donner pour
tâche de penser les principes rationnels de l'ordre social sur la base
des connaissances acquises, et concrètement, de mettre en débat les
décisions qui peuvent y concourir.
Ce livre propose un autre fondement à l'action politique. Les décisions
doivent s'appuyer sur des valeurs établies de manière collective
par la raison et donc graduellement universalisables.