La condition étudiante est d'évoluer dans un monde indéterminé et incertain, d'être confronté à une institution faible dont les modes de régulation ont disparu. Le sentiment, partagé par la plupart des étudiants en premier cycle, est d'être seul.
Les étudiants se retrouvent dans un monde où aucun horizon ni aucun but ne leur est véritablement proposé. C'est là une situation qui constitue le point de départ de l'ensemble des parcours d'étude, et de l'ensemble des actions des étudiants.
Tout leur parcours est consacré à résoudre cette question de l'indétermination, à trouver en eux-mêmes ou dans d'autres institutions les moyens de se définir et de déterminer des objectifs à atteindre, et ainsi de donner du sens à leur action. C'est aussi à partir de cette situation que leur carrière se construit. Il s'agit d'opérer des «recompositions de soi» en fonction d'expériences diverses. Il est donc toujours question de construire de nouveaux projets, de nouvelles orientations personnelles et de nouveaux horizons en fonction des événements, heureux ou malheureux.
L'indétermination des buts et des moyens des études se double de «l'obligation morale» de réussir. Rien n'est vraiment défini, mais chacun ressent bien qu'un échec, ou même ses prémisses, ne peut que renvoyer à soi et à sa propre responsabilité. Dès lors que l'on travaille «pour soi», et en fonction d'objectifs que l'on s'est soi-même fixés, c'est sa propre personne qui est en jeu dans les études. Ainsi, ce qui se joue dans les relations avec les enseignants, au travers des évaluations, va bien au-delà d'un simple rapport pédagogique fonctionnel, puisqu'il renvoie directement à l'estime de soi de chacun.
L'idée d'une condition étudiante ne signifie pas que les individus sont «passifs» et qu'ils subissent simplement leur condition sans réagir. Tout au contraire, à partir de la condition qui est la leur, ils développent des formes d'action qui relèvent de «tactiques», tant du point de vue de leur réflexivité que de leur pratique concrète.