Ne faut-il pas rendre au terme « radicalité » sa beauté virulente et son énergie politique? Tout est fait aujourd’hui pour identifier la radicalité aux gestes les plus meurtriers et aux opinions les plus asservies. La voici réduite à ne désigner que les convictions doctrinales et les stratégies d’endoctrinement. La radicalité, au contraire, fait appel au courage des ruptures constructives et à l’imagination la plus créatrice. La véritable urgence est bien pour nous celle du combat contre la confiscation des mots, celle des images, et du temps. Les mots les plus menacés sont ceux que la langue du flux mondial de la communication verbale et iconique fait peu à peu disparaître après leur avoir fait subir torsion sur torsion afin de les plier à la loi du marché. Peu à peu c’est la capacité d’agir qui est anéantie par ces confiscations mêmes, qui veulent anéantir toute énergie transformatrice. Si ces propositions font penser que je crois dans la force révolutionnaire de la radicalité, on ne s’y trompe- ra pas, à condition de consentir à ce que la révolution ne peut exister qu’au présent. La lutte n’est et ne sera jamais finale, car c’est à chaque instant que nous sommes tenus d’être les hôtes de l’étrange et de l’étranger pour faire advenir ce qu’on nous demande justement de ne plus attendre et même de repousser. La radicalité n’est pas un programme, c’est, la figure de notre accueil face à tout ce qui arrive et ainsi continue de nous arriver.