De la fin du règne de Louis XIV à la Révolution française, une exceptionnelle floraison de conteurs et de conteuses s'adonne au conte merveilleux sous toutes ses formes. Au sein de cette production, Mme d'Aulnoy occupe une place remarquable : elle n'est pas seulement l'initiatrice, dès 1690, de cette vogue qui s'épanouit dans les salons, voire à la Cour, dans la dernière décennie du XVIIe siècle. Elle constitue également, par l'ampleur et l'originalité de sa production féerique, l'une des représentantes privilégiées de ce genre alors majoritairement pratiqué par des femmes. Elle illustre en effet la naissance du conte féminin, terrain d'épanouissement d'une écriture mondaine et galante souvent empreinte de romanesque. Plus largement cependant, c'est au carrefour des cultures orale et écrite, populaire et littéraire, ancienne et moderne que ces contes puisent leur inspiration, leur esthétique, leur poétique ainsi que leur riche imaginaire.
Les amateurs de féerie ne s'y trompèrent pas : ils plébiscitèrent les vingt-cinq contes de fées de Mme d'Aulnoy, dont le succès fut immédiat et durable. Traduits en anglais avant ceux de Perrault, plus souvent réédités, au XVIIIe siècle, que ceux de l'illustre académicien, ils furent également salués, exploités voire pillés par les conteurs ultérieurs. Mais ils subirent aussi le contrecoup d'une double dépossession : la relégation aux rayons souvent dépréciés de la littérature enfantine ; et leur récupération par une culture populaire peu soucieuse de ses sources. C'est à la redécouverte de ces contes de fées qu'invite le présent ouvrage, première édition critique de l'intégralité des contes et de leurs récits-cadres.