Comment les travailleurs du service public voient-ils, parlent-ils d'un système
qui combine utilitarisme cynique et culture politique «d'humains superflus»
(Hannah Arendt) ? Que disent-ils de l'Etat, du service public pris entre protection
et contrainte dans l'Europe de Schengen, quand ils sont amenés à appliquer des
mesures le plus souvent absurdes, injustes, au bord de frontières de la civilisation
sur des populations parmi les plus précarisées (chômeurs, requérants d'asile,
travailleurs immigrés, etc.) ?
Dans le cadre de la mondialisation actuelle quel visage de la violence d'Etat
nous montrent-ils, quand l'Etat devient sécuritaire et fragile, quand il perd son rôle
de cadre, de protection, quand il enterre les droits ? Aujourd'hui quelles sont les
conditions du «devoir de fidélité» à l'Etat pour ces travailleurs, quand l'Etat se
transforme (privatisation, gestion marchande, précarisation) ?
Que racontent des travailleurs de la classe moyenne «nationale» le plus
souvent, quand ils doivent appliquer des politiques sur les «sans part», auxquelles
ils sont aussi soumis dans une moindre mesure ? Que disent-ils de leur vécu ?
La parole a été donnée à 200 travailleurs du service public à Genève (Suisse)
dans des entretiens. Une procédure très stricte a assuré la liberté de parole
volontaire et la confidentialité. Dans ce volume, 20 entretiens et 375 extraits
d'entretiens sont présentés. C'est un matériau très riche pour des chercheurs et pour
le grand public.
La lecture des entretiens fera découvrir au lecteur des travailleurs du service
public au quotidien. Ils racontent comment ils vivent l'Etat, leurs chefs ou leurs
subordonnés. Ils racontent comment ils doivent réinsérer des chômeurs dans un
marché du travail recomposé où la précarisation, l'intermittence est la règle. Ils
racontent comment ils assistent des requérants d'asile, des travailleurs immigrés
clandestins, des étrangers emprisonnés, à installer de force dans des avions. Ils
racontent comment ils doivent soigner, assister des individus dans des situations très
précaires. Alors que l'Etat de droit est un fantôme, que l'assistance est une peau de
chagrin.
C'est un document inédit. Puissant. Il permet de penser au devenir du service
public en dépassant les préjugés et les clichés. De redécouvrir une des facettes du
travail en recomposition. Celui du service public.